Västervik // Fyrudden – Du 27 mai au 1er juin

Le bateau

Nous avons finalement pris notre envol de Västervik le jeudi 27 mai 2021 en milieu de matinée. Il fait froid, il pleut, les tenues de gros temps sont de rigueurs sur le pont d’Amor Fati, notre Maxus 24. Alors que Blanche est à la barre, pas le moins du monde perturbée par la météo locale, Claire et moi vivons le passage du chenal de sortie de la baie Västervik presque comme une délivrance. Cap au nord. Le vent souffle N/NE autour des 8 kt, c’est donc au près serré que nous envisageons cette première journée de navigation. Nous enroulons à bâbord la réserve naturelle de Gränsö où nous avons eu grand plaisir à nous balader ces quelques semaines. Nous comprenons vite que dans ces archipels aux passages souvent peu profonds et étroits, les effets de sites sont nombreux et le vent n’est jamais constant en force comme en direction. C’est avec le vent en pleine face que nous attaquons les premières passes entre les îlots. Pas le choix, nous rallumons le moteur et alternons les moments de glisse à la voile avec ceux rythmés par le ronronnement motorisé de notre quatre-temps.

A 14h, après avoir louvoyé entre les îles pendant un peu plus de 15 MN, nous arrivons dans la petite baie sauvage de Båtsviken, où nous jetons l’ancre. Nous sommes absolument seuls, abrités pour la nuit, et profitons du calme des falaises et des bois environnants. Le côté nord de la baie forme un petit col dénudé où viennent paître des vaches suédoises. Même si les vaches me sont sympathiques, certaines expériences sur des accès en falaise pour des séances d’escalade m’ont appris à m’en méfier… C’est donc avec un oeil vigilant, et sur la rive opposée, un peu plus accidentée, que nous débarquerons en annexe. Celle-ci est rapidement gonflée, et nous nous félicitons avec Claire d’avoir acheté une petite annexe légère, qui loge dans un coffre extérieur, et que nous gonflons en moins de cinq minutes grâce à notre gonfleur de kytesurf. Petite séance de pêche en fin de journée (je suis toujours bredouille), avant de remplir en famille les premières pages de notre journal de bord officiel.

Le lendemain matin, vendredi 28 mai, il ne pleut plus ! Une première depuis presque une semaine. Le bateau est déjà bien humide, nous en rajoutons une couche en nous lançant dans la préparation d’oeufs à la coque… C’est l’aquarium à bord ! Après les devoirs des enfants le matin et un petit pique-nique, nous quittons le mouillage à 13h. Le vent est avec nous et souffle du SE. Nous prenons rapidement le large au travers sous gennaker, avant de replonger dans un nouvel ensemble d’îles et de devoir passer vent arrière. Le gennaker montre rapidement ses limites à cette allure (une petite pensée pour notre grand spi asymétrique laissé à La Rochelle par manque de place), et, à la faveur de passages étroits ou le vent se met plein cul, nous passons en mode ciseaux pour les deux dernières heures de navigation.

Nous arrivons tranquillement en fin d’après midi, et par un franc soleil, sur les îles de Stora Källskär, où une bouée se ballade à quelques mètres du rivage. Le guide de navigation (en suédois) que nous avons à bord, m’avait vendu une île typique de pêcheurs voisine d’une réserve naturelle d’oiseaux, où nichent notamment des aigles ! Traduction hasardeuse de Google ou 50 ans de retard sur le timing, mais les aigles ont visiblement disparu et ont laissé la place à des milliers de cormorans qui nichent dans des arbres morts sortis tout droit d’un Lucky Luke. Dans la famille des références culturelles, Claire m’annonce dans la foulée, de manière assez cinglante, que seul un mec qui n’a jamais regardé Les Oiseaux de Hitchcock peut accepter de dormir là… Après quelques négociations familiales, nous décidons de gonfler l’annexe pour mettre pied à terre et visiter l’île. L’endroit, tourné vers le large et situé sur la frange extérieure de cet archipel, est magnifique et nous décidons finalement d’y rester pour dormir. Dormir, c’est beaucoup dire, car le vent s’est levé comme prévu dans la nuit, mais pas franchement exactement dans la direction annoncée. Nous nous retrouvons balloté dans cet endroit peu abrité du nord, et personne ne ferme vraiment l’oeil de la nuit, à part Blanche. Le moment reste néanmoins sympathique car le couché et le levé du soleil sont interminables en cet saison, et je profite de ma veille sur le pont pour admirer le paysage une bonne partie de la nuit.

Samedi 30 mai. Nous quittons notre bouée un peu avant 10 heures, sous un beau soleil. Le vent s’est calmé et souffle du NE à 12 kt. Afin de gagner le large par une passe au vent de l’île, nous marchons au moteur. Après 10 minutes de fonctionnement à régime assez fort, le quatre-temps a des ratés et ne délivre plus de puissance. Un voyant d’alarme de surchauffe s’allume et nous devons le couper. Quelques bords à la voile, au près, nous permettent de franchir la passe et de gagner un peu le large, le temps de réfléchir et de vérifier le moteur. L’huile, changée avant notre départ, est à nouveau toute laiteuse, signe que de l’eau y est mélangée… Nous avions repéré sur la carte un mouillage abrité à mi-chemin du port de Fyrruden, notre destination du jour. Nous poussons la barre pour nous mettre au travers, cap NO, et en deux heures, nous gagnons à la voile le magnifique mouillage de Stora Alö (l’un des plus vieux clubs privés de voile de Suède) pour tenter de vidanger à nouveau l’huile moteur. En quelques minutes l’annexe est gonflée afin de pouvoir travailler à peu près correctement au dessus de l’eau, sans risque de polluer toute cette petite hanse. Nous tentons de vidanger l’huile avec une pompe à main de vidange achetée à Västervïk. L’huile que nous retirons est crémeuse et ressemble presque a du miel… A la moitié de l’opération, le joint haut de la pompe saute, et nous nous retrouvons, ainsi que le pont d’Amor Fati, aspergés d’huile moteur. Seul réconfort dans cette affaire : grâce à la méthodologie mise en place par Claire, pas une goutte d’huile ne vient souiller la surface de l’eau. N’ayant plus rien pour vider l’huile, et ne souhaitant pas nous lancer au mouillage dans une vidange complète par le bouchon, nous refaisons le niveau avec de l’huile neuve, et repartons vers Fyrruden. L’escale technique aura durée 45 mins et les enfants ne se sont aperçus de rien, trop occupés à jouer et dessiner dans le bateau. Nous naviguons à la voile jusqu’à Fyrruden en ne réservant le moteur (au ralenti) que pour les trois étroits passages obligatoires entre les cailloux. Certains ne font que 10 mètres de large avec seulement 2m de fond (notre tirant d’eau est de 1,15 m avec nos deux quilles). Nous arrivons en milieu d’après midi à Fyrruden, un petit port très prisé des Suédois le week-end. Ils arrivent par dizaines depuis les nombreuses îles de l’archipel, à bord de leur petits bateau à moteur, de leurs jet-ski ou de leurs voiliers, pour prendre une glace, boire un verre ou manger au restaurant, avant de repartir en soirée et de nous laisser presque seuls au port. Les enfants sont ravis de retrouver les pontons, et nous en profitons pour aller chercher des pizzas (excellentes d’ailleurs) et de nous faire une petite soirée cinéma à bord avec les enfants.

La journée du dimanche est consacrée à faire entièrement sécher le bateau. La condensation par le haut est une chose, mais celle venue des fonds transforme le dessous des matelas en piscine… Nous repérons également un hangar de réparation de moteurs de bateaux situé à 1km de la Marina, en espérant qu’ils pourront nous faire un check complet du moteur le lundi.

Lundi 31 mai. Par téléphone, le réparateur voisin ne semble pas disposé à nous aider, et me demande de contacter l’un de ses concurrents. Même accueil du second, et renvoi vers un troisième. Ce dernier fini par me renvoyer sur le premier, chacun m’ayant expliqué qu’il n’y avait pas de place pour une révision avant plusieurs semaines… Je fini par me rendre avec Blanche directement chez le premier réparateur, où après 45 mins d’attente, je suis accueilli dans une ambiance glaciale. La seule chose que j’arrive à négocier est un vieux bidon vide que je pourrai découper afin de faire une vidange complète du moteur par le bouchon de vidange. Claire, informée par téléphone, révise le manuel d’entretien du moteur et prépare toute l’opération. Une heure plus tard, le moteur est complètement vidangé et nous remettons 800 ml d’huile neuve. Nous faisons un peu tourner le moteur l’après midi et vérifions à plusieurs reprises l’huile qui semble, pour le moment restée claire et garde sa viscosité. Nous prenons quelques conseils avisés par téléphone auprès de quelqu’un dont les choses de la mécanique sont bien moins obscures que pour nous (nous remercions chaleureusement Jean-Claude !), et finissons par prendre contact au téléphone avec un réparateur/revendeur Mercury, installé 20 miles plus au nord sur le port d’Arkösund. Il est d’accord pour prendre en charge notre moteur dès jeudi pour une vérification complète avant d’éventuels travaux. C’est donc vers Arkösund que nous allons mettre le cap mercredi, une fois le coup de vent passé.

La journée du mardi 1er juin est dédiée à une grande ballade en famille dans la réserve naturelle de Ëkon, repérée en courant la veille. Nous gagnons le bivouac où un barbecue est installé. Du bois coupé est à disposition ainsi que du charbon. Nous avons observé beaucoup d’aménagements de ce type au bord de l’eau depuis notre arrivée en Suède, mais c’est bien la première fois que nous allons en profiter. Nous arrivons à allumer un feu malgré les 20 kt de vent, et Claire étrenne notre petite grille de barbecue. Nous nous offrons chacun un magnifique sandwich, bien abrités dans le petit bivouac en bois avant de reprendre notre ballade.

On vous tient évidemment au courant de la suite (nous allons également mettre à jour les galeries photos ).

Bises à tous et au plaisir !

Claire & Alex

11 réflexions sur “Västervik // Fyrudden – Du 27 mai au 1er juin

  1. Bonjour à tous
    En écoutant radio Boubou ce matin, je me suis bien doutée que Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock avait laissé de mauvais souvenirs à Claire!!
    C’est agréable de vous lire, comme d’écouter radio Boubou.
    Prenez soin de vous tous.
    Chantal Niquet

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  2. j’ai eu du mal à comprendre « une petite annexe légère, qui loge dans un coffre extérieur, et que nous gonflons en moins de cinq minutes grâce à notre gonfleur de kytesurf. » : un canot gonflable avec une bouteille d’air comprimé, comme celle utilisée pour les boudins de l’aile de traction dans ces nouveaux sports de casse-cou? ça doit être ça

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  3. « prendre contact au téléphone avec un réparateur/revendeur Mercury, installé 20 miles plus au nord sur le port d’Arkösund » : dit comme ça, ça paraît simple, mais… ah oui c’est vrai il n’y a plus de cabines téléphoniques (rares ou destroyed) où il faut mettre des pièces et la conversation toujours coupée (et le mec inaudible à l’autre bout, et qui comprend rien), ça se fait par portable et tout le monde parle anglais, mais quand même, ça doit pas être aussi facile que c’est dit…

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  4. Très beau récit qu’on a vraiment envie de poursuivre !
    En écoutant Radio Boubou avec tous ces oiseaux, penser au film d’Hitchcock était bien inévitable 😉
    Bonne suite et bisous bien forts 😘

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  5. Bon courage pour cette histoire de moteur…
    Et merci pour le récit et les photos toujours aussi belles ! Une video serait top ! 😉
    Bises à tous !
    PS : je remarque les oeufs sont blancs en Suède ?

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  6. Bonsoir Alex et Claire (et bonne nuit à vos deux valeureux Bouboux)
    Votre suivi sur carte détaillée est impressionnant … et il faut évidemment pouvoir compter sur un propulseur non renacleur dans ces trajets rase-cailloux. Ce qui sera le cas après l’étape réparatrice de votre engin trop enhuilant ! Une bonne nouvelle : la météo (d’chez nous il est vrai) vous promet des brises d’Est plutôt légères jusqu’au 11. Stockhom méritera-t-elle votre « détour » ? Au retour sans doute …
    Ici, l’été semble vouloir enfin s’établir, et va très bientôt vous permettre d’alléger vos vestures nordiques.
    Merci pour la suite à venir de votre très sympathique équipée
    Jean-Claude et Jacqueline

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  7. Salut les Amor,
    Le récit de vos robinsonnades baltiques est extra, un bonheur. Tout y est ! On vous souhaite le meilleur ainsi qu’à votre moteur 🙂
    Vous formez un sacré bel équipage !
    Hâte de découvrir la suite…
    Stéphane

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